Diabète et soins des pieds

Diabète et soins des pieds



Parmi les complications malheureusement encore très fréquentes du diabète, les amputations des orteils, du pied, voire de la jambe, sont certainement les plus traumatisantes. Pourtant, les gestes préventifs permettant de ne pas en arriver à pareille situation existent.
Par Patricia Bernheim
Durant sa longue carrière de diabétologue, le professeur Jean-Philippe Assal a eu l’occasion d’examiner de très nombreuses personnes dont les pieds présentaient des plaies ou des ulcères pour lesquels les seuls soins médicaux ne suffisaient plus. Or, «les 90 % des amputations pourraient être évités si les gestes préventifs simples étaient respectés», commente le diabétologue, qui a beaucoup fait pour le contrôle des lésions et la prévention des amputations. La preuve: «Dans les années 80, lorsque j’ai créé la Consultation du pied diabétique aux HUG, une cinquantaine d’amputations étaient faites chaque année. Ce chiffre est tombé à une dizaine grâce à notre programme de prévention», souligne le professeur Assal.

Pourquoi les pieds deviennent-ils si vulnérables en cas de diabète?

Après quinze à vingt ans de diabète, même si la glycémie n’est pas très élevée, le corps commence à souffrir de l’excès de sucre. D’une part, cela concerne les petits vaisseaux sanguins (artériopathie) qui peuvent s’obstruer ou se casser, parce que leur paroi est devenue très fragile. D’autre part, cela touche les petits nerfs sensoriels (neuropathie), ceux qui nous renseignent sur ce que l’on touche.
Atteints, ils ne transmettent plus la douleur, qui est notre signal d’alarme. Cette atteinte touche d’abord les nerfs les plus longs, donc ceux des pieds. Les personnes diabétiques ne sentent dès lors plus les blessures, les coupures ou les brûlures. Elles peuvent par exemple marcher une journée avec un caillou dans une chaussure, sans le sentir, et donc ne pas s’apercevoir qu’elles ont une plaie ouverte. Or, si cette dernière n’est pas traitée, elle devient une porte d’entrée pour des bactéries qui pullulent normalement sur les pieds.

Y a-t-il d’autres problématiques typiques?

Les personnes qui souffrent d’une neuropathie diabétique ne sentent pas la présence d’une mycose qui, en temps normal, démange terriblement. La mycose n’est pas dangereuse en soi. Mais le champignon, en grignotant la peau entre les orteils, affine tellement celle-ci que des fissures apparaissent, qui deviennent, elles aussi, des entrées par lesquelles des bactéries peuvent s’infiltrer et donner naissance à des infections. Pour ne rien arranger, les bactéries se développent particulièrement bien en milieu sucré. Un patient diabétique, qui a trop de sucre dans le sang, est par conséquent le terrain idéal.

Comment se fait-il que cela puisse mener à des amputations?

Il faut se souvenir qu’une zone infectée consomme cinq à dix fois plus d’oxygène qu’un tissu sain. Or, l’insuffisance artérielle consécutive au diabète ne permet plus un apport suffisant de sang. L’orteil devient alors noir, parfois en une nuit, et commence à se nécroser. A ce stade, les soins médicaux ne suffisent plus, et il faut recourir à la chirurgie.

C’est une décision qui doit être difficile à annoncer?

Oui, parce que l’aspect psychosocial et les coûts indirects sont intolérables. Lorsque l’on ampute un pied, ce n’est pas seulement le pied, mais toute la famille que l’on ampute. Certains diabétiques ne seront plus en mesure de travailler, ou du moins plus de la même manière. Les relations sociales, les loisirs, la mobilité peuvent être entravés. Sans oublier le coût en matière de souffrance, d’inconfort, d’anxiété, qui pèsent sur la qualité de vie du patient et de ses proches.

Que peuvent faire les patients pour éviter les amputations?

La prévention repose avant tout sur une hygiène quotidienne. Pour éviter que les champignons ne s’installent, il faut très soigneusement essuyer ses pieds après les avoir lavés, surtout sous les orteils et entre ceux-ci. On peut pour cela utiliser un sèche-cheveux, réglé sur la position «froid» pour ne pas risquer de se brûler.

Quelles autres mesures peuvent-ils prendre?

Les chaussures et les supports plantaires sont à l’origine d’un grand nombre d’amputation. Ils peuvent devenir de véritables objets de torture pour les pieds puisque, avec une neuropathie sévère, les patients ne savent pas s’ils ont choisi la bonne pointure. Ils sont ainsi capables de supporter un frottement sur les orteils sans réagir, alors que la peau est déjà entamée. Ou continuer à marcher malgré des cloques, qui risquent elles aussi de laisser la place à des infections si elles ne sont pas ouvertes et nettoyées dans de bonnes conditions d’hygiène. Marcher pieds nus représente également des dangers de se blesser, de se brûler, sans ressentir la moindre douleur.

A quelle fréquence faut-il vérifier ses pieds?

L’observation doit être quotidienne parce que, dans ce milieu humide, les infections peuvent s’étendre très rapidement. Il est certain que, lorsqu’on devient un peu âgé ou qu’on a une surcharge pondérale, cette observation peut devenir difficile. On peut alors se servir d’un miroir et, si cela ne suffit pas, il ne faut pas hésiter à demander l’aide d’un tiers. Il est surtout absolument nécessaire de soigner la moindre plaie sans délai. En cas de lésion, il est indispensable de faire contrôler ses pieds une fois par mois par un podologue. Enfin, il faut se rappeler que toute anomalie doit conduire à une consultation médicale d’urgence.

Les soins des pieds en huit points

  1. Observer tous les jours ses pieds à la recherche de cors, corne, mycoses ou crevasses.
  2. Laver ses pieds quotidiennement à l’eau tiède et au savon, et bien les sécher.
  3. Hydrater la peau si elle est sèche, avec une crème, mais éviter poudre et talc.
  4. Se limer les ongles plutôt que de les couper, pour éviter les risques de blessures.
  5. Changer de chaussettes tous les jours.
  6. Acheter des chaussures suffisamment larges pour éviter les frottements.
  7. Vérifier l’intérieur de ses chaussures avant de les enfiler.
  8. Eviter de marcher pieds nus, même à la maison

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