Le diabète n'est pas une fatalité

Le diabète n'est pas une fatalité



«Les traitements les plus performants ne devraient pas faire oublier que le diabète de type 2 est une maladie des temps modernes, qui peut souvent être évitée grâce à une bonne hygiène de vie», souligne le professeur Jacques Philippe, médecin chef du service d’endocrinologie, diabétologie et nutrition des Hôpitaux universitaires de Genève. 
Par Patricia Bernheim
En matière de traitement du diabète, d’énormes progrès ont été accomplis ces dernières années. Les différents traitements existants, accompagnés d’une activité physique et d’une alimentation équilibrée, permettent de contrôler cette maladie et d’éviter des complications, parfois redoutables. Reste que, malgré les mises en garde du corps médical et les campagnes d’information, le diabète loin de disparaître connaît au contraire une forte augmentation depuis quelques années.
Essentielles: Comment en est-on arrivé là?
J.P.: Pendant des milliers d’années et jusque dans les années 50, les 90% de la population sont restés minces. On ne mangeait pas forcément toujours moins, mais autrement, et surtout on bougeait beaucoup plus. Notre problème, actuellement, c’est que l’on ne dépense plus de calories. Notre alimentation et notre sédentarité sont donc les deux causes de l’explosion actuelle du diabète.
L’espèce humaine n’est pas faite pour ce mode de vie. Ce changement d’environnement ne lui convient pas. Elle s’y adapte, mais mal, et des maladies telles que le diabète surgissent. Souvent, ce dernier est en plus accompagné de troubles du cholestérol, d’hypertension artérielle ou autres. Il faut donc prendre en compte l’ensemble de ces troubles pour prévenir des ictus, des infarctus ou des troubles de la circulation sanguine dans les jambes, qui sont autant de complications possibles du diabète.
Essentielles: Asséner aux gens qu’ils sont malades parce qu’ils mangent mal et sont trop sédentaires, c’est quand même assez culpabilisant, non?
J.P.: Mais ce n’est pas leur faute! D’abord, les personnes atteintes du diabète ont une prédisposition génétique importante. Ensuite, elles ont beaucoup de raisons de manger trop. C’est un contexte global: il y a le stress, les pressions professionnelles, la solitude. Dans bien des situations, manger est un mécanisme de compensation. On fonctionne tous de la même manière, mais certains arrivent mieux à se fixer des limites que d’autres.
Essentielles: Comment se fait-il que les messages liés à la prévention du diabète soient si difficiles à faire passer?
J.P.: Le diabète ne se voit pas, ne fait pas mal. Il reste donc quelque chose d’assez abstrait. Pour faire passer le message, il est important d’être concret.
Si j’ai face à moi une personne qui pèse 100 kg, je lui explique que, pour maintenir son poids, elle doit consommer environ 2500 kcal par jour. Si elle souhaite perdre du poids, il va falloir qu’elle diminue le nombre de calories. Sachant que 1 kg de graisse est l’équivalent de 9000 kcal, il va donc lui falloir 18 jours, à 2000 kcal par jour, soit 20% en moins, pour perdre un kilo. Ce sont des chiffres, c’est concret et parlant.
Nous avons à disposition un certain nombre de tableaux (voir deux exemples ci-dessous) qui permettent de bien comprendre le concept des dépenses caloriques. D’un côté, l’énergie qui entre (les aliments), de l’autre, celle qui sort (l’activité physique), et la balance énergétique qui se fait. Cela permet également de faire prendre conscience que c’est un effort sur le long terme, qu’il faut de la constance et de la régularité.
Essentielles: Qu’est-ce qui est le plus dur, pour les personnes diabétiques?
J.P.: Admettre le diagnostic et comprendre qu’il va falloir changer de mode de vie. On s’aperçoit en effet à travers quantité d’études faites dans le monde que, même une fois le diagnostic posé, les gens ne modifient que peu leur comportement, parce que leur environnement (soucis professionnels, familiaux, économiques, stress, anxiété), lui, ne change pas.
Essentielles: Comment expliquez-vous cela?
J.P.: On en revient aussi au fait que le diabète est une maladie discrète et asymptomatique. Malgré les diverses incitations à avoir une alimentation équilibrée et une activité physique, les patients ne réagissent souvent qu’après avoir eu un grave pépin. C’est là qu’ils comprennent qu’il est important de changer de comportement.
Essentielles: Est-ce que la prévention et le traitement du diabète sont victimes d’un tabou?
J.P.: Effectivement, certaines personnes préfèrent ne pas révéler qu’elles sont diabétiques. Dans la société actuelle, les patients qui ont un diabète juvénile (diabète de type 1) souhaitent apparaître comme saines et en bonne santé, ce qu’elles sont, et ne veulent pas apparaître comme limitées, ce qu’elles sont néanmoins dans leur quotidien en raison de la nécessité de s’injecter de l’insuline. Il faut aussi dire que le diabète apparaît comme une «maladie de vieux», de ceux qui ont un peu abusé de la bonne chère; mais il s’agit là du diabète de type 2. Pour les êtres jeunes, l’image n’est pas très dynamique, ce qui les incite parfois à une certaine réserve.

Balance énergétique: quelques chiffres

Les tableaux sont un bon moyen de comprendre le concept des dépenses caloriques. Ils sont concrets et permettent de quantifier facilement, d’une part, l’apport en énergie que représentent les aliments (tableau 1), de l’autre, les dépenses caloriques occasionnées par certaines activités (tableau 2). Ainsi, pour arriver à l’équilibre sur le plan énergétique, l’apport d’une portion de 100 g de banane correspond à une heure de marche nécessaire à une personne pesant environ 70 kg.



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